Le Seul Jour Facile - Le Sanctuaire Tome 2


Une jeune fille morte, un témoin apeuré et deux hommes formés en tant que Navy Seals. Que ce soit pour rechercher la justice ou la vengeance, la confrontation finale entre eux sera extrême - explosive.

Dale Mc Intyre, ancien Navy Seal, travaille pour le Sanctuaire. Il est près d'obtenir la preuve dont il a besoin pour prouver que la mort d'Elisabeth Costain a été ordonnée... jusqu'à ce que quelqu'un se mette en travers de son chemin.

Joseph Kinnon, Navy Seal actif, est de retour sur le sol américain pour la première fois depuis des mois et on lui apprend la tragique nouvelle : sa demi-sœur est morte, abattue dans une ruelle par un agresseur inconnu. Il est déterminé à trouver qui l'a tuée... jusqu'à ce que ce quelqu'un se mette en travers de son chemin.

Ils veulent tous les deux que la famille Bullen paie, mais l'un veut la justice et l'autre, la vengeance. Ce qui se passe entre eux, cependant, n'a rien à voir ni avec l'un, ni avec l'autre.

Acheter

Amazon (FR) | Amazon (CA) | Amazon (UK) | Amazon (US) |  Kobo

Extrait

Chapitre Un

— Chef, localisez-vous pour le CAS.

Le cri passa à travers la ligne, à peine audible au-dessus des coups de feu, et pour l’oreille du Chef, officier supérieur de la Marine, Joseph Kinnon. Le lieutenant était situé plus haut sur la pente raide, coincé dans cette position. Il était maintenu en place par le sifflement et le bruit de balles d’AKA 47 qui déchiraient l’air et étaient crachées à travers les rochers de la montagne, mais son message était fort et clair. Ils étaient pris au piège et seul un appui aérien rapproché allait résoudre ce désastre.

Joseph était de loin le plus proche de l’assaut des forces talibanes et rampait sur son ventre pour obtenir un point de vue, à seulement quelques centimètres au-dessus d’un affleurement rocheux et bien trop exposé à son goût. Mesurant la distance, il rampa en arrière pour passer les données.

— Danger proche, cinq cents, rapporta-t-il succinctement, en glissant sur le côté alors que certains tirs aléatoires frappaient la roche à sa gauche, creusant un chemin dans l’obscurité.

Les informations furent transmises rapidement et la décision adoptée en retour fut tout aussi rapide. Malgré le fait que l’équipe soit verrouillée et si proche de l’objectif, il n’y avait pas d’autre moyen de sortir de cette position. Ils devaient faire appel à un appui aérien rapproché et risquer d’être décimés par des tirs amis ou tués par le groupe de talibans tout proche. Joseph envoya une prière silencieuse au pilote du F -16 dans cet espace aérien pour que ses tirs soient cent pour cent précis. Un mauvais timing avait conduit un groupe de talibans sur le même chemin qu’ils avaient emprunté et la petite équipe des forces spéciales en payait le prix. Pas moyen de se retirer à travers les montagnes, et aucune voie à suivre devant, le journaliste qu’ils étaient venus sauver était plaqué contre le mur avec une expression horrifiée sur son visage. Ils étaient coincés. Un missile bien placé au milieu des forces talibanes et ce serait suffisant pour l’équipe de six soldats et le journaliste d’en faire le point d’extraction.

Le responsable des communications échangea un bref regard avec Joseph. Dexter était son meilleur ami et leur relation datait d’avant leur formation chez les forces spéciales, communément appelé BUD/s. Joseph hocha la tête. Il savait exactement ce qui traversait l’esprit de son ami alors qu’il appelait le système de référence de la grille à dix chiffres pour le commandement. Joseph lut sur ses lèvres tandis que Dexter ajoutait des détails au « danger proche », un truc des forces spéciales pour dire au pilote du F -16 qu’il y avait la possibilité de tuer les bons gars aussi. Dexter esquiva alors que les Talibans concentraient leurs tirs sur le groupe de rochers derrière lui. Ils ne pouvaient pas savoir exactement où il était, mais même un tir aléatoire envoyait des balles trop près pour leur confort. Joseph roula sur le côté et axa ses tirs sur les éclairs provenant des forces en dessous d’eux. Il espérait juste que ce serait suffisant pour donner à Dexter suffisamment de temps pour compléter son message sur la radio Ultra Hautes Fréquences.

Enfin, Dexter fit passer le message à toute l’équipe, le lieutenant hocha la tête et indiqua de la baisser. La bombe serait lancée dans trois minutes. Joseph ne cessa pas son tir ciblé et pendant quelques minutes, jusqu’à ce que la « bombe soit sur cible », lui et le reste de son équipe allaient s’assurer que les tirs soient concentrés sur eux.

Le journaliste avait été facile à extraire. Pris en otage par les Talibans, ils l’avaient retenus prisonnier dans une maison sécurisée dans les montagnes d’Afghanistan. Les Services Secrets avaient informé l’armée de sa location et ils avaient établi une configuration de ses ravisseurs. Une fois faite, Joseph et son équipe avaient été largués à cinq kilomètres de distance, de l’autre côté de la crête d’une montagne. Cela avait été, d’après les termes des SEALS, une extraction facile et le journaliste était non seulement toujours en vie, mais était capable de marcher et s’en était sorti relativement indemne.

Puis l’enfer s’était déchaîné. Avec rien de plus qu’un mauvais timing, soudain, l’équipe se retrouvait épinglée par un grand nombre de Talibans paniqués venant à eux avec un barrage de tirs d’armes légères. Ils étaient foutus. Dexter signala un « un » à Joseph et aux autres. On y était. Cela allait être soit une victoire soit un échec retentissant ; quelle belle façon de mourir. Fuentes était près du journaliste, leurs visages face à la paroi, accroupis dans un fossé naturel formé par une fissure de terre entre les rochers. Dexter roula et se mit à l’abri parmi les rochers éparpillés autour de lui. Le lieutenant et le reste de l’équipe maintenaient un feu nourri jusqu’à ce que, un par un, ils se mettent également à l’abri. Cela n’aurait eu aucun sens de donner l’idée aux Talibans que quelque chose allait tomber en cessant le feu et, finalement, il n’y eut plus que Joseph qui tirait dans l’obscurité, de manière aléatoire. Il jeta un coup d’Å“il à Dexter qui leva son poing et indiqua cinq. Joseph décompta et à un, il se mit à l’abri, se recroquevillant sur lui-même, sa tête nichée au sol, chaque partie de son corps abritée par un rocher afghan.

Aucun bruit n’indiqua le ciblage de la bombe de deux cent vingt kilos, mais quand elle frappa les Talibans, ce fut mortel et rapide. Des ondes pressèrent les tympans de Joseph et il ferma involontairement les yeux. L’air ondoya à cause d’elles et le bruit d’un violent rugissement de tonnerre ébranla la terre. Alors que des débris jaillissaient dans l’air, l’onde de pression de bas niveau déferla sur l’équipe des SEALS, mais il n’y avait pas de temps pour s’asseoir et attendre de voir si le tir avait trouvé sa cible. Joseph fut le premier, le plus près des insurgés et, arme au poing, il se laissa glisser au bas de la montagne en ruine. Le missile avait fait son travail, mais Joseph ne vérifiait pas cela. Il voulait que tout soit dégagé et, à part quelques tirs résiduels, il indiqua à l’équipe qu’elle pouvait suivre. Il y avait encore quelques tirs d’armes légères provenant de quelques Talibans survivants, mais rien que les SEALS ne puissent pas gérer, esquivant les tirs et courant avec le journaliste pour atteindre le centre. Dexter appela pour l’extraction finale et quand Joseph se laissa tomber dans le CH-47 Chinnok, il ferma les yeux. Il lui faudrait plusieurs jours avant que ses oreilles reviennent à la normale. L’hélicoptère plongea ensuite, prenant un large chemin au-dessus des plaines d’Afghanistan.

— Alors, commença Dexter en un cri qui retentit dans les oreilles abîmées de son équipe. Je pense que je vais demander à Emily de m’épouser.

Et voilà. La normalité après avoir affronté le chaos et la mort. C’était ce que faisaient les SEALS. Ils se battaient, ils extrayaient et ils étaient les meilleurs. Mais, à la fin de la journée, ils avaient survécu et étaient encore en vie. Écoutant alors que son meilleur ami recevait les conseils de l’équipe quant à la meilleure façon de faire sa demande, Joseph eut un pincement au cÅ“ur. L’adrénaline qui coulait en lui s’estompait et la réalité de sa vie la remplaçait dans chacune de ses cellules.

Un appartement vide et un mois de sommeil. Le sommeil paraissait bien, mais la partie vide ? Ça ressemblait à de la merde.



***



Le pont du C-17 était sacrément gelé et, non pas pour la première fois en huit heures d’enfer, Joseph souhaita avoir deux tapis de sol sous lui et non seulement un. La base aérienne de Ramstein était peut-être à cinq heures derrière lui, mais cela voulait dire encore au moins deux ou trois de plus avant d’atterrir à la station Oceana Naval Air sur la côte Est. Il était censé dormir encore – ce qui était la seule chose à faire avec cette immobilisation forcée. L’Ambien avait apparemment perdu depuis longtemps sa capacité à le faire dormir et il était maintenant pratiquement réveillé. Tout le monde voulait rentrer à la maison, mais il y avait des moments comme celui-ci où il souhaitait, grâce à un moyen magique, cligner des yeux et se retrouver soudain dans son propre lit. L’espace exigu imposé était nécessaire s’il voulait rentrer à la maison, mais il était un homme d’action et tous les clichés s’appliquaient à lui à la pelle. Il n’était pas homme à rester tranquillement assis, il était celui qui se promenait. Il ne marchait jamais, il courait toujours. Supporter ça jusqu’à ce qu’ils atterrissent était sa seule option. Pourtant, il était suffisamment fatigué pour s’autoriser une faible quantité d’auto-indulgence envers sa misère à cause du froid, de l’odeur et des douleurs qui filtraient malgré sa détermination à ne pas se plaindre.

Sa hanche lui faisait mal d’être allongé sur son côté droit tandis qu’ils traversaient l’océan, loin de Basram vers l’Allemagne et, avec seulement quelques heures de repos, vers le continent américain. Il était un SEAL et son corps avait souvent traversé l’enfer, certainement pire que l’inconfort de dormir à bord d’un avion-cargo C-17. La pensée de ce qu’il faisait habituellement subir à son corps et à combien de douleur il pouvait supporter sans broncher l’amusait quand tout ce à quoi il pouvait penser maintenant était à combien il avait mal partout. Dieu merci, toutes ces petites vibrations de l’avion avaient diminué dès qu’ils avaient atteint leur altitude de croisière. Il détestait la façon dont le vrombissement des énormes moteurs parcourait son corps et le secouait jusque dans la moelle de ses os. Vingt-six ans et son corps lui donnait l’impression d’en avoir quarante.

Maudissant son incapacité à dormir, il roula à moitié pour soulager la pression sur sa hanche et s’arrêta seulement quand il sentit l’un des membres de son équipe derrière lui. Il ne pouvait même pas se souvenir de qui occupait l’espace là, mais d’après le ronflement, il présuma que c’était Dexter. Son meilleur ami surveillait toujours ses arrières depuis qu’il avait six ans et l’avait fait jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent la même semaine lors du BUD/s. Serrant les dents, et avec le réconfort de la respiration de son meilleur ami, si évidente derrière lui, Joseph détendit chacun de ses muscles, ignorant résolument la ceinture avec ses caméras multiples qui creusait dans sa peau. Il retrouva finalement cet endroit en lui qui lui avait permis de dormir perché sur des rochers ou dans des grottes avec des attaques aériennes striant le ciel. Il se dirigea vers ce lieu unique et vital où les soldats dans des zones de combat se retrouvaient, où ils espéraient être en sécurité.

L’évolution dans le bruit du moteur fut la première indication qu’ils étaient en attente et il se réveilla, se mettant en position accroupie, reprenant instantanément conscience. De toute évidence, il avait réussi à fermer les yeux pendant quelques heures de plus, certainement dû à son état de choc. Un éclair d’excitation le parcourut à la pensée de revoir le sol américain à nouveau et il s’étira largement pour mettre au point certains des détails. Dormir dans un lit, manger de la nourriture qui ne sortait pas d’un plastique et pour prendre une bouffée d’air, ce que les trente prochains jours allaient être. En solitaire ou non.

— Merde !

Les mots furent marmonnés dans un état de demi-sommeil, ce qui était le premier signe que Dexter s’était sorti d’une brume liée à un Ambien et aux analgésiques. Joseph se déplaça du mieux qu’il pouvait pour faire face à son ami et laissa échapper un rire à la vue qui s’offrait devant lui. Dexter avait pris un coup au visage par des pierres volantes et les ecchymoses étaient mauvaises. La zone autour du nez de son ami était tellement gonflée que ça le faisait loucher et que ses yeux étaient seulement à moitié ouverts.

— Tu as vraiment une sale gueule, commenta sèchement Joseph.

— Va te faire foutre ! répondit Dexter.

— Quand Emily va te voir, elle va décider de m’épouser à la place.

— Certainement pas ton cul de gay, le contra Dexter.

Joseph se mit à rire. Toute son équipe était au courant de ses préférences sexuelles. Ce n’était pas qu’il l’avait dit à tout le service, mais les SEALS se faisaient mutuellement confiance. Votre équipe était votre vie et la tenait entre ses mains. Pas une seule personne dans l’équipe ne le jugeait pour autre chose que ses compétences et l’acceptation des SEALS qu’un jour ils pourraient mourir les uns pour les autres. Autour de lui, le reste de l’équipe commença à ranger les sacs de couchage dans leurs paquetages et Joseph jeta un bref coup d’Å“il sur Adams, qui restait au stade vert d’un sevrage d’alcool/Ambien mélangé, mais qui réussissait, en quelque sorte, à arborer un large sourire éclatant. Tandis que le C -17 s’inclinait pour l’approche finale, Joseph se remit dans son fauteuil. L’atterrissage fut tout en douceur, le mouvement de balancement lorsque les freins furent engagés provoqua des secousses, mais le fait qu’il s’arrête de lui-même était paradisiaque. L’avion roula sur le tarmac pour la fin de son voyage à 01.00 heure, puis le petit groupe de SEALS débarqua péniblement de l’avion.

Quand vint le moment du débarquement, Joseph ne s’était jamais senti aussi heureux que les SEALS n’aient jamais eu à partager l’avion avec autre chose que quelques gars de soutien au combat. Les six hommes qui descendirent de l’avion rendaient la vie beaucoup plus facile qu’un avion plein de troupes. Dès que ses pieds bottés touchèrent l’asphalte, Joseph inspira profondément l’air frais de la Virginie. Tout le monde se tint absolument immobile pendant quelques secondes et Joseph jeta un regard critique sur chaque homme. En dehors de Dexter et de son nez, l’équipe des six hommes, grâce à un peu de chance et beaucoup d’habileté, était revenue presque indemne. Et la manière dont chacun se tenait si résolument immobile signifiait qu’il n’était pas le seul à être heureux qu’ils reviennent tous vivants.

Les réactions de l’équipe au fait de rentrer à la maison variaient, de l’excitation à la résignation bien-trop-épuisés-pour-l’enregistrer. Les débarquements de nuit étaient toujours les mêmes. D’un accord tacite, le petit groupe commença à prendre le chemin vers l’entrée principale où ils trouveraient un moyen de se rendre vers l’endroit où ils avaient chacun besoin de se rendre. Certains, comme Dexter et lui, avaient des appartements à proximité, d’autres avaient des chambres dans de grandes maisons. Tout était bon pour rappeler qu’ils n’étaient pas encore en congé. Dexter et lui marchaient côte à côte, alors que les SEALS se dirigeaient vers la zone désignée comme point de ralliement.

— Merde ! Le Commandant est là.

Le juron de Fuentes l’arrêta dans son élan. Joseph sursauta à la déclaration qui déborda de la bouche de la nouvelle recrue de l’équipe. Les mots étaient teintés de la crainte du néophyte que le commandant soit présent à leur arrivée à la maison. Joseph fut instantanément vigilant et essaya de deviner qui le commandant regardait. L’équipe avait en général le temps de souffler un peu avant les trucs officiels commencent, mais si le commandant était présent, se tenant là silencieusement et attendant leur arrivée, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Qu’il avait de mauvaises nouvelles pour l’une des six personnes de l’équipe.

Quelque chose s’était passé pendant qu’ils étaient déployés et, pour l’un d’entre eux, la vie avait en quelque sorte changée, pendant qu’ils étaient hors de portée.

— Merde !

Même avec son nez cassé, Dexter prononça ce seul mot très clairement avec une pointe de peur. Dexter avait non seulement une petite amie depuis longtemps, mais deux parents vivants et cinq frères et sœurs avec les partenaires et les enfants associés. Bon sang ! Non, pas Dexter.

Le lieutenant leva une main pour arrêter l’équipe, puis se dirigea rapidement vers l’avant pour se tenir coude à coude avec le commandant. Ils parlèrent brièvement et le lieutenant se retourna vers ses hommes une expression de résignation sur le visage.

— Chef Kinnon, commenta-t-il fermement. Allez avec le commandant.

Tout le monde de Joseph s’effondra, et il empoigna aveuglément le bras de Dexter. Celui-ci fit un pas en avant pour l’accompagner, mais il lui fit signe de s’arrêter.

— C’est bon, le rassura-t-il en libérant son bras.

Ce n’était pas bon. C’était même très loin d’être bon. Il avait seulement quelques personnes, en dehors de son équipe qui signifiaient quelque chose pour lui. Quelque chose était-il arrivé à sa mère ? C’était la seule chose à laquelle il pouvait penser, la seule famille qu’il avait et le fait que son commandant se tienne là, attendant de lui annoncer une mauvaise nouvelle était injuste.

Il fit les quelques pas vers le commandant, un grand homme imposant avec un visage sculpté dans la pierre. Le commandant Finch n’était pas devenu un commandant des équipes d’élite des SEALS en étant un bon gars. Il y avait de la tension, de la passion et de la loyauté, le tout enveloppé d’une présence imposante.

— Chef Kinnon.

— Monsieur.

— Marchez avec moi, fils.

Seules sa formation et son obéissance aveugle empêchèrent Joseph de se figer au milieu de ce foutu aérodrome, refusant de bouger et exigeant des réponses tout de suite. Ils arrivèrent à une porte et entrèrent pour s’avancer dans un coin ombragé de l’immense hangar. L’éclairage diffus était suffisant pour voir la compassion affichée sur le visage du commandant.

— Je suis désolé d’être celui qui doit vous dire ceci, Joseph. Pendant que vous étiez à l’extérieur, votre demi-sÅ“ur est décédée.



Chapitre Deux

— Elisabeth ?

Bien sûr, Elisabeth. Il n’avait qu’une seule demi-sÅ“ur. Quand sa mère s’était remariée deux ans auparavant, il en avait hérité ainsi que d’un beau-père, Harvey Costain. Il ne les connaissait pas très bien. Il n’était jamais resté suffisamment longtemps pour former un véritable lien, mais, bon sang, sa mère et Harvey devaient être dévastés.

— Je vous présente mes condoléances.

— Que s’est-il passé put… que diable ? Monsieur.

Il ajouta le « monsieur » tardivement, alors que sa formation lui revenait en force.

— La police procède à une enquête pour assassinat.

— Assassinat ?

Joseph laissa tomber son sac sur le sol alors que toute l’énergie qui lui restait était totalement drainée hors de lui.

— Comment ? Qui ?

— Si cela peut vous consoler, cela a été rapide, et elle n’a pas été… blessée d’une quelconque autre manière.

Consolation ? Rapidement n’était pas une consolation pour n’importe quelle famille. Un jour, cela le serait peut-être. Mais maintenant ? Rien ne pouvait rendre cela plus facile à entendre.

— Elle venait pour rester – nous n’étions pas proches – mais elle voulait passer du temps avec moi…

Il était décousu. Pourquoi diable disait-il tout ça à un homme qui n’avait pas besoin de l’entendre ? Il pouvait s’entendre lui-même parler, mais le choc pesait lourdement sur lui et soudain, les mots s’arrêtèrent. L’émotion comprima sa gorge. Ce congé était censé lui permettre de jouer enfin le rôle de grand frère, peut-être même de donner une signification à sa vie. Et d’après ce qu’elle avait dit, à la vie d’Elizabeth également. Elle l’avait appelé et avait laissé des messages quand il était revenu la dernière fois, disant qu’elle avait besoin d’un ami, d’un frère, avait dit que cela faisait trop longtemps depuis que leurs parents s’étaient mariés et qu’ils devaient nouer des liens. Son commandant parlait toujours avec ce ton uniquement réservé à ceux qui devaient distribuer de mauvaises nouvelles sur une base régulière. Douce et lente et si foutrement compréhensive.

— Y a-t-il quelqu’un qui peut vous aider ? Je peux assigner quelqu’un pour faire la liaison avec la famille…

— Non, répondit rapidement Joseph.

C’était sa famille et il n’avait pas besoin d’une liaison, d’un support ou de n’importe laquelle de cette merde officielle. Ses épaules étaient bien assez larges pour gérer ce que la vie avait mis en travers de son chemin. Ce ne serait pas différent. Priorités. Tout était une question de priorités pour donner un sens au bourdonnement dans sa tête. Des informations pour commencer. Un SEAL ne faisait rien sans collecter des renseignements pour sauvegarder une mission. Téléphoner à sa mère pour savoir quand c’était arrivé et pourquoi c’était arrivé. Repoussant la vague soudaine de douleur qui forçait son chemin en lui, il revint à son entraînement.

— Pouvez-vous vous assurer que Dexter voie un médecin, monsieur ? Et dites au lieutenant que je serai de retour à l’issue des trente jours réglementaires.

— Je le ferai. Et Joseph ? Entre vous et moi, si vous prévoyez de…

Il marqua une pause.

— … Faire quoi que ce soit, alors faites juste attention. Bonne chance, fils.

C’était une course d’un peu plus de six kilomètres jusqu’à son appartement de Virginia Beach. Moins de vingt minutes et il serait chez lui. Une heure et il aurait douché l’Afghanistan de sa peau, rasé son visage et fait un sac. Trois et il atteindrait Albany pour trouver des réponses.



***



Son appartement était tel qu’il l’avait laissé : vide et propre. Dans un état second, il s’occupa de retrouver l’homme sous les couches de crasse. Raser la barbe qui protégeait sa peau en dessous, supprimer le personnage du soldat à chaque coup de rasoir et l’eau de la douche était froide avant qu’il sorte de la cabine. C’était un rituel, c’était normal et, pour quelques minutes, il trouva du réconfort dans la répétition d’actions qui l’ancrait dans le présent. Il entendit son portable sonner, mais n’y répondit pas, le laissant juste en charge puisqu’il était à plat de ne pas être utilisé et ne montrait qu’une seule barre de charge. Il savait que Dexter allait essayer de le contacter, mais jusqu’à ce que son paquetage soit prêt et qu’il soit sur la route, il n’était pas prêt à répondre à ses questions. Dexter arrêta d’appeler, au lieu de cela, il envoya un simple message « appelle-moi », Joseph savait que c’était la manière de son ami d’offrir un soutien inconditionnel et montrer qu’il patienterait et attendrait que Joseph fasse le premier pas.

Vêtu d’un jean, d’un tee-shirt et d’une veste qu’il avait attrapée dans son armoire, il vérifia qu’il avait son portefeuille, ses clefs et son sac. Verrouillant la porte et se dirigeant vers sa vieille Jeep, il espéra qu’elle démarrerait après être restée immobilisée pendant aussi longtemps. Le tas de ferraille démarra au troisième tour, juste au moment où Joseph pensait que sa chance pourrait bien être épuisée. Trois heures trente-cinq du matin et il se dirigeait vers le nord, sur l’autoroute 13.

Il en connaissait un sacré rayon sur le fait d’être en état de choc. La mort et les mourants et ceux qui regardaient… Il avait vu l’horreur de tout cela, et aussi détaché qu’il devait l’être, il pouvait catégoriser chaque unique nuance d’incrédulité et de douleur. Rien de ce qu’il savait n’était à mi-chemin de la réalité quand il se souvenait de sa demi-sÅ“ur. Il fit un arrêt pour refaire le plein de carburant et acheta une barre de protéines et une bouteille d’eau. Il ne pouvait plus retarder l’inévitable plus longtemps et, avec le cÅ“ur lourd, il composa le numéro qu’il connaissait par cÅ“ur. Sa mère répondit à la troisième sonnerie. Preuve que cela n’avait pas d’importance à quel moment de la journée il appelait, elle avait toujours un téléphone auprès d’elle.

— Joseph, dit-elle calmement. Te l’ont-ils dit ?

— Je suis tellement désolé, maman. Comment va Harvey ?

Joseph était un maître pour ce qui était de changer de sujet et sa mère ne le rappela pas à l’ordre là-dessus.

— Dévasté. Le cÅ“ur totalement brisé. Nous avons eu des journalistes qui ont appelé pour des interviews et des gens qui nous ont traqués, prenant des photos. Cela s’est arrêté seulement le mois dernier.

Le mois dernier ? Pourquoi diable cela avait-il suscité autant d’attention ?

— Nous avons essayé de te le faire savoir. En le transmettant aux bonnes personnes. Ils ont dit qu’ils te le feraient savoir quand tu serais de retour aux États-Unis.

Cela paraissait juste. Joseph et le reste de son équipe étaient souvent en dessous du radar et hors de portée. C’était une procédure standard pour prendre contact quand cela ne compromettait pas ce que faisaient les SEALS.

— Peux-tu lui dire combien je suis désolé pour sa perte ? offrit gentiment Joseph.

Il avait beaucoup de respect pour Harvey et sentait la douleur que l’autre homme devait traverser.

— Je le ferai… Attends…

Joseph entendit le téléphone être passé à quelqu’un d’autre, et présuma que c’était Harvey.

— Joseph ?

— Je suis désolé pour ta perte.

Cela lui paraissait injuste de dire notre perte. Harvey avait perdu un enfant, sa fille et il devait avoir l’impression d’approcher la fin des temps. Joseph avait simplement perdu quelqu’un avec qui il avait commencé à devenir ami. C’était un tout autre monde de douleur.

— Où es-tu, fils ?

Harvey paraissait épuisé et Joseph ne se hérissa pas au terme de « fils ». Il ne l’avait jamais fait. Quand sa mère avait rencontré Harvey, c’était presque comme si Joseph pouvait enfin se détendre, sûr qu’il allait veiller sur sa mère. Cela semblait réel. Comme une famille. Il avait même reçu une sÅ“ur toute prête. Harvey avait été plus un mari pour sa mère dans ces deux courtes années que le véritable père de Joseph ne l’avait jamais été. Il n’était rien de plus qu’un donneur de sperme quand sa mère avait seize ans. Devait-il mentir ? Dire à Harvey qu’il était sur une base, sur le point de repartir ? L’homme l’arrêterait-il pour ce qu’il voulait faire s’il admettait effectivement qu’il avait l’intention de se lancer à la poursuite de cet assassin ? Harvey pouvait très bien avoir déjà repris ses émotions en main après avoir perdu sa fille, ce qui ne comprenait probablement pas le fait de se jeter au beau milieu d’une enquête pour meurtre, comme Joseph en avait l’intention.

— En route pour Albany, sur la 13, admit-il finalement.

— Que vas-tu faire ?

Il y avait de la tension dans la voix d’Harvey, mais aucune accusation ni mot pour mettre les actions de Joseph en attente. La ligne devint silencieuse et il aurait voulu voir l’expression d’Harvey. Avait-il additionné deux et deux ? L’homme doux était-il horrifié ou soulagé que Joseph se rende à l’endroit où sa fille avait été tuée ? Le fait qu’Harvey et sa mère vivaient en Floride n’avait jamais fait paraître Miami aussi loin.

— Je vais découvrir pourquoi ma demi-sÅ“ur est morte, dit-il très simplement.

Harvey soupira bruyamment et sa mère fut de retour au téléphone en quelques secondes. Elle avait vu Joseph s’engager dans la Marine, devenir un SEAL, et être envoyé à l’étranger. À chaque fois, elle lui avait adressé un geste de la main avec un sourire et la promesse qu’elle serait là lorsqu’il reviendrait. Elle savait que c’était ce pour quoi il avait été formé et il était parfaitement conscient que cette fois ne serait pas différente.

— Que vas-tu faire, Joseph ?

— Trouver qui a tué Elisabeth et pourquoi.

Il ne s’attendait pas à ce qu’elle l’empêche de suivre cette voie, mais il était conscient qu’elle aurait quelque chose à dire sur la question.

— S’il te plaît, Joseph… Sois prudent. Ceci est un genre de mal très différent que celui auquel tu es habitué.

— Je suis toujours prudent, maman.

Il était bon pour la rassurer.

— Comment pouvons-nous aider ?

Il pouvait faire confiance à sa mère pour lui couper la chique. Il voulait demander plus de renseignements à propos du cas lui-même.

— Si ce n’est pas trop difficile, peux-tu me dire ce qui s’est passé ?

— Nous n’en savons pas beaucoup plus que ce qu’il y a eu dans les journaux. Elisabeth a été assassinée dans une ruelle à l’arrière d’un hôtel, près de son domicile et le tireur était un flic. L’affaire a été déclarée close parce que le flic… Gareth Headley… a admis ce qu’il avait fait et qu’il paie maintenant pour ses actes. Harvey voulait rester à Albany et trouver pourquoi le flic a risqué tout ce qu’il avait pour tuer quelqu’un, mais son cÅ“ur…

Sa mère avait rencontré Harvey en faisant du bénévolat dans l’unité cardiaque de l’hôpital local. Il était peut-être seulement dans le début de la cinquantaine, mais comme il le disait lui-même, il prenait suffisamment de médicaments pour réveiller les morts.

— C’est assez pour que je puisse commencer.

— Vas-tu nous appeler quand tu auras quelque chose ?

— Je le ferai, maman.

L’appel prit fin avec l’habituel au revoir. Quoi qu’il soit arrivé à Elisabeth, il avait trente jours pour trouver la réponse. Celui qui avait blessé sa demi-sÅ“ur – l’avait tuée – n’allait pas s’en sortir avec ça. Justice serait faite. De ceci, il en était certain.



Chapitre Trois

— J’ai les yeux sur la cible.

Dale MacIntyre s’éloigna du mur lorsque les mots atteignirent son oreille.

— Entrée Ouest. Il est seul.

Un frisson d’appréhension courut le long de sa colonne vertébrale tandis qu’il jetait un coup d’Å“il autour de lui. L’entrée Ouest était la plus fréquentée du centre commercial et la ruée d’humains qui s’empilaient dedans et autour de lui, rendait difficile l’identification du sujet. Il avait des photos, des images prises sur des albums scolaires et quelques photos granuleuses prises par des caméras de surveillance, mais il se demandait combien au juste ce serait facile d’identifier Robert Bullen dans cette mer de visages.

Nik avait rendu cela facile, le logiciel de reconnaissance faciale qu’il utilisait reconnaîtrait immédiatement Robert.

— Veste bleue, jean, cheveux foncés. Un mètre soixante-dix-huit, confirma Nik dans l’oreillette de Dale. Il porte un sac de sport.

Dale s’installa à côté du groupe de mamans et de tout-petits qui avaient décidé de se rassembler dans ce qu’il pensait être son coin, puis jeta son café à moitié terminé dans la poubelle. Les yeux concentrés sur les nouveaux arrivants, il vit enfin quelqu’un passer par la porte d’entrée principale et qui correspondait au profil qui lui avait été donné. Quand l’homme tourna la tête, clairement à la recherche de quelqu’un dans la foule de gens, Dale obtint une vision complète de son visage. C’était certainement son gars, Robert Bullen, vingt et un ans, ce qui le faisait plus jeune que Dale de huit ans et probablement moins prudent de huit ans également. L’idiot se tenait là, debout, jetant un coup d’Å“il autour de lui, comme s’il avait tout le temps du monde et qu’il ne se souciait pas de qui le voyait.

Prudemment, Dale se mit à se tracer un chemin à travers la foule et, lentement mais sûrement, s’arrêta au côté de Robert.

— Café ? dit-il fermement.

Robert se retourna et Dale grimaça intérieurement à la lueur d’effroi contenue dans ses yeux. Le comportement du jeune homme n’était pas exactement celui d’une personne qui avait confiance en ce qu’il faisait.

— Êtes-vous…

— Par ici, l’interrompit rapidement Dale, et le guidant de sa main, il encouragea Robert vers le Starbucks le plus proche.

Commandant un café avec Robert à son côté, pratiquement rigide de tension, c’était un exercice que de garder sa bouche fermée. Ce qu’il pouvait dire, c’était que plus Robert dansait d’un pied sur l’autre et plus il paraissait soupçonneux. Ce ne fut que lorsque son regard croisa celui de Robert qu’il vit une peur réelle dans les profonds yeux bruns du jeune homme, ce qui alluma une petite étincelle de compassion qui grandit à l’intérieur de lui. Robert Bullen faisait peut-être partie de la nouvelle génération à être préparée pour leur rôle dans la famille Bullen, mais cela ne voulait pas dire qu’il ne méritait pas au moins d’être entendu.

— As-tu pris contact ?

La voix de Nik le fit sursauter. Pendant un moment, il avait oublié l’équipe des deux hommes qui surveillait ses arrières.

— Je l’ai, répondit-il. Starbucks.

— À qui parlez-vous ?

Robert semblait nerveux, comme il devrait l’être.

— Contrôle. Ils gardent un Å“il sur vous et sur quiconque aurait pu vous suivre.

— Qui ? Personne ne me suit. Je m’en suis assuré.

La voix de Robert contenait une absolue conviction.

— Êtes-vous vraiment aussi naïf ? répliqua sèchement Dale, de manière tout aussi rapide.

Il ne voulait pas se montrer aussi cassant, mais que diable pensait le gamin concernant l’affaire dans laquelle il était impliqué ?

— Votre père est à la tête de la famille Bullen et votre oncle est sénateur à New York. Ces deux-là font que vous risquez d’être sous surveillance.

Une vague de peur envahit l’expression de Robert en un instant et Dale sentit un pincement de remords. Ses compétences sociales avec les gens étaient vraiment foireuses.

— Je dois aller…

Robert voulut se lever, mais Dale saisit sa main et l’arrêta.

— Putain, asseyez-vous ! ordonna-t-il entre ses dents serrées.

— S’ils découvrent…

— Qui, Robert ? Qui vous effraie ? Votre oncle ou votre père ?

— Papa. S’il apprend que je vous parle…

— Quoi ? Il va arrêter de vous verser votre argent de poche ?

Bon sang, qu’est-ce qui lui avait pris de dire ça ? Le gamin ne méritait pas ce sarcasme.

— Allez vous faire foutre ! cracha Robert d’une voix furieuse. Il est mon père biologique, mais ça ne veut pas dire que je suis insensible à ce qu’il fait ou à qui il est.

— Écoutez, je suis désolé…

— Je n’accepte rien venant de lui !

— D’accord. Mais vous vivez avec lui, dit Dale d’un ton plat.

Encore une fois, Dale identifia une certaine vulnérabilité dans les yeux de Robert et son cÅ“ur endurci se fêla un peu. Il pouvait agir comme un gamin dur et rude, mais Dale en savait plus sur Robert que le jeune homme ne pourrait jamais imaginer. Il savait que sa mère était morte, tuée dans un accident de voiture quand il avait quatre ans. À toutes fins utiles, Gregory Bullen avait déclaré avoir perdu sa femme et son enfant dans cet accident. Comment Robert avait survécu et ce qui était arrivé ensuite étaient quelque chose sur lequel le Sanctuaire travaillait activement et enquêtait. Cela pourrait devenir une partie importante de toute cette affaire. Robert avait seulement renoué avec son père quand il avait eu vingt-et-un ans et qu’il était entré en possession de renseignements indiquant que les gens qu’il avait appelé papa et maman n’étaient en fait, pas ses parents biologiques. Dale savait que le jeune homme vivait avec son père, Gregory Bullen, dans la maison familiale des Catskills depuis les six derniers mois. Merde ! Il savait même ce que Robert avait étudié à l’université. La seule chose qu’il ne savait pas c’était ce que Robert voulait partager ni pourquoi il avait pris contact avec le Sanctuaire.

— J’ai mes raisons de rester.

Robert secoua la tête comme si ses pensées intérieures n’avaient aucun sens pour lui.

— Mais ce sont mes raisons.

— Alors que diable, devez-vous me dire ?

Robert sembla momentanément surpris par l’intensité du ton de Dale, mais il le dissimula en plongeant dans son regard.

— Le procureur ne vous a rien dit ? J’ai contacté… euh…

Il tira une feuille de papier de sa poche.

— Lissa MacIntyre. Elle m’a donné ce numéro.

— Putain, gamin !

Dale arracha le papier des mains de Robert.

— Vous ne pouvez pas vous promener avec les coordonnées de l’assistante du procureur dans votre poche.

Celles de sa sœur.

— Je suis désolé.

— Pourquoi n’avez-vous pas directement approché le FBI ?

L’expression de Robert se durcit et soudain, il parut bien plus vieux que vingt-et-un ans.

— Ils ne m’ont pas aidé quand je les ai approchés. J’avais des informations pour eux à propos de l’accident, concernant ma mère. Ce n’était peut-être que des soupçons et une lettre brève qu’elle m’a laissée, mais ils ont tout rejeté d’emblée.

Dale doutait qu’ils aient totalement rejeté le gamin. Le FBI n’était pas stupide et avait probablement mis le gamin sous autant de surveillance que la famille Bullen le faisait. Tout lien vers les Bullen serait utilisé par le gouvernement fédéral. Il savait pertinemment que les fédéraux étaient à la recherche d’un moyen pour faire céder la famille Bullen et pour savoir d’où venait la fuite dans leur bureau. C’était seulement quand quelqu’un avait attenté à la vie de Morgan Drake, le seul témoin d’un meurtre, que le FBI avait été convaincu qu’ils avaient des problèmes internes. Le même Morgan Drake qui était maintenant assis dans la fourgonnette de surveillance à écouter tout cela avec son amant, Nikolaï Valentinov.

Robert arrêta de parler comme si ce qu’il avait dit expliquait pourquoi aller vers une agence officielle était mieux que l’unité du crime organisé du FBI. Pendant une seconde, Dale envisagea de le pousser un peu plus pour recueillir d’autres informations, mais il savait que le temps était compté. L’Ops du Sanctuaire avait désigné Nik à la surveillance et Robert avait certainement été suivi. Dale avait espéré que se fondre dans la foule, à l’arrière d’un Starbucks leur laisserait assez de temps pour parler.

— Je ne sais pas si tout cela va aider, déclara Robert. Je ne devrais pas faire ça. Cela compromet tout et j’ai encore des choses que je suis en train de faire.

— Écoutez, gamin…

— S’il vous plaît, écoutez-moi. Il y avait cette fille… cette femme. Elle travaillait pour mon oncle et elle était mon amie. Elle avait l’habitude de venir à la maison et nous parlions. Elle s’appelait Elisabeth et elle était gentille. Elle était ma…

Robert fit une pause et ses lèvres se tordirent en une parodie de sourire.

— … Petite amie, je suppose.

Dale repoussa la montée d’adrénaline qui l’avait inondé au nom d’Elisabeth. Au lieu de cela, il se concentra sur le fait que Robert n’utilisait pas les mots que Dale associait à la passion ni à quoi que ce soit d’approchant. Il y avait une certaine affection dans la voix de Robert, mais rien de plus. Alors peut-être que le fils du gangster et Elisabeth étaient un élément, mais il y avait quelque chose d’autre ici.

— Petite amie ?

Ça, c’est une surprise.

— Elle gardait mes secrets concernant mon oncle et mon père… Merde !

Il se reprit à ces mots et releva son regard pour croiser celui de Dale.

— Tout ce qui compte, c’est que j’ai contacté le procureur qui a examiné l’affaire et elle m’a demandé de venir la voir. Je ne pouvais pas… Je ne peux pas, c’est trop tôt. Mais elle m’a donné un numéro et j’ai parlé à ce gars et c’est… c’est tout.

Nik avait pris l’appel et c’était lui qui écoutait ce que Robert disait, ce qui, ils devaient en convenir, n’était pas beaucoup.

— Allons droit à l’essentiel, Dale. Il y a de l’activité ici.

La voix de Nik indiquait sa préoccupation et Dale se redressa dans son fauteuil. Il devait faire avancer les choses.

— Alors pourquoi avez-vous contacté le bureau du procureur, Robert ? En fait, avez-vous la moindre preuve concrète concernant la mort d’Elisabeth ? résuma Dale en insérant une note d’impatience.

Frustré, Robert baissa les yeux vers la table.

— Écoutez…

Il changea de sujet.

— Si je peux aider…

— Aider comment ?

— Elle a été assassinée, non ?

Robert releva son regard et là, il y avait de la passion dans ses yeux.

— Elisabeth a été assassinée et je pense… Je sais… que mon père, mon oncle ont quelque chose à y voir.

Dale s’adossa à son fauteuil. C’était peut-être, certainement, mieux que tout ce à quoi Nik et lui espéraient que le gosse leur dirait. Il cacha sa réaction du mieux qu’il put.

Revenons aux informations.

— Quelle preuve avez-vous ?

— Donnez-moi trois jours et je vous obtiendrai votre preuve.

— Quelle preuve ? demanda à nouveau Dale.

Robert jeta un coup d’Å“il autour de lui et revoilà l’air de lapin effrayé.

— Mon père…

Robert cracha pratiquement le mot.

— … doit aller en réunion d’affaires en ville dans deux jours. Je l’aurai alors. Des documents financiers. Un protocole d’audit. Des vidéos. Je sais où se trouve tout ça. Je peux vous en obtenir assez pour tous les détruire. Mais j’ai besoin de quelque chose de votre part.

— Quoi ?

Dale soupira intérieurement. Il imaginait qu’il connaissait déjà la réponse. Le gamin voulait probablement de l’argent.

— Quand je vous remettrai les preuves concernant les frères et Elisabeth, alors je me rendrai également et le procureur me mettra en sécurité jusqu’au procès.

Pas d’argent, alors ? Juste une protection ?

— Vous êtes à ce point convaincu que votre preuve conduirait Greg Bullen jusqu’au procès ?

— Cela fera tomber l’ensemble du château de cartes.

Robert avait l’air si confiant, catégorique que ce qu’il pourrait donner au procureur suffirait à faire traduire en justice son père et toute la famille Bullen.

— Je le donnerai au procureur, répondit-il à Robert.

Ou au Sanctuaire, pensa-t-il. Il avait également besoin de vérifier cette situation avec le FBI. Qu’avait voulu dire Robert en indiquant que le FBI ne l’avait pas aidé avec sa mère ? L’ex-femme de Greg était morte il y a longtemps, peut-être que le FBI n’avait pas vu la valeur de l’information. Peut-être cependant, qu’il y avait autre chose à ajouter au réseau de mensonges qui tissait une toile autour des Bullen.

— Dale, l’avertit Nik dans son oreille. Près de la porte d’entrée. Je suis dehors pour le suivre. Tu dois renvoyer le gamin.

— Je dois y aller. Et vous aussi, dit brusquement Dale.

— Quoi ?

Robert cligna des yeux en le regardant avec surprise devant la rafale de mots.

— Celui qui vous suit vous a rattrapé. Éloignez-vous d’ici et si quelqu’un demande…

Dale chercha quelque chose à dire.

— Très bien, dites-leur que je suis un détective privé qui recherche un vieil ami d’université.

Son histoire de couverture en tant que détective privé était fermement en place et devrait guider les recherches de ces gens sur Dale.

Robert pâlit et la lueur apeurée revint dans ses yeux.

— Quel ami d’université ? demanda-t-il, paniqué.

Dale ignora la question tandis que Nik décomptait dans son oreille. Celui qui avait suivi Robert était juste à l’extérieur du Starbucks. Il se leva et lui passa une carte avec son numéro de téléphone portable sécurisé ainsi que celui de Nik, avec un simple « appelez-nous ». Il se fondit dans la foule et, sans jeter un seul coup d’Å“il en arrière, il disparut.



***



Se glissant dans le SUV de Morgan, il s’effondra sur la banquette arrière.

— Dale ? Est-ce que tout va bien ? Où est Nik ?

Morgan avait l’air inquiet et jeta un coup d’Å“il par-dessus l’épaule de Dale, cherchant clairement son amant.

— Il va arriver.

Comme pour appuyer ses mots, Nik grimpa dans la voiture et se retourna sur son siège.

— Penses-tu que Robert cherche à se moquer de nous à propos de ces preuves ? demanda Nik sans plaisanter.

Il avait l’air pensif. Dale faisait confiance à son instinct lorsqu’il répondit.

— Je ne crois pas. J’ai le sentiment qu’il connaît des choses qu’il ne devrait pas.

— Il est prêt à se retourner contre son père ?

Morgan ne faisait que dire ce que Dale pensait. Il haussa les épaules.

— Il a dit qu’il pouvait nous remettre des preuves.

— Cela pourrait être une sorte de piège.

Nik saisit la main de Morgan. Il était toujours hyper vigilant dès que son amant était concerné. Le contrat sur la tête de Morgan n’existait peut-être plus, mais il n’y avait aucun moyen que Nik le perde.

— Je ne pense pas, répondit Dale dans un murmure. Il avait l’air effrayé, en colère, mais pourtant totalement déterminé. Mais bien qu’il le soit, je ne suis cependant pas tout à fait certain qu’il ne se fasse pas prendre.

— Il est dans cette maison depuis six mois. En quelque sorte, il l’a fait jusqu’à présent.

Morgan paraissait sur la défensive et Nik se pencha pour voler un baiser.

— Tout le monde n’est pas aussi brave que toi, Morgan, dit-il en reculant. Qu’ai-je manqué ?

Cela visait très ostensiblement Dale qui dût résumer la situation en aussi peu de mots que possible. Seigneur, c’était difficile. L’enquêteur en lui voulait croire que Robert était fort et pourrait en effet leur donner suffisamment d’informations pour savoir ce qui était arrivé à Elisabeth. En tant qu’ami de Morgan, il le voulait également.

Morgan avait cet intense besoin de savoir pourquoi la jeune femme qu’il avait vue se faire tuer avait été abattue dans la ruelle, et Dale aimait bien le petit ami de Nik. Mais l’opérateur du Sanctuaire qu’il était devenu avait vu dans le jeune homme que Robert était, quelqu’un de déterminé, mais de vulnérable et d’apeuré. Nik et Morgan n’avaient pas besoin d’entendre ça tout de suite. Son instinct le guida dans ce qu’il devait dire.

— Il a dit qu’il peut obtenir des preuves afin de prouver que Greg Bullen s’est arrangé pour faire tuer Elisabeth. Je le crois.

Morgan hocha la tête, rassuré, mais tout ce que Nik fit fut de hausser un sourcil. Dale refusa de reconnaître la question sur le visage de son ami. Ils devraient avoir foi dans le fait que Robert pourrait y parvenir.

La foi était tout ce qu’ils avaient.




No comments